Journaliste politique sur BFM TV, Ruth Elkrief anime tous les soirs, depuis 7 ans, un débat entre 19 h et 20 h, le 19h Ruth Elkrief. Mercredi 29 novembre dernier, pendant plus d'une heure, elle a échangé avec nos étudiants sur le thème « Vivre aujourd'hui (avec) l'information » Extraits de cette rencontre...
Selon vous, quels sont les principaux changements qui modifient votre métier et le rapport à l'information?
La technologie change tout !
La façon de travailler : avant un journaliste était entouré d'un preneur de son, d'un éclairagiste et d'un monteur pour la réalisation. Aujourd'hui, c'est le journaliste qui fait tout (interview, prise de son, lumière et montage). La façon de consommer l'information : avant il n'y avait que deux rendez-vous quotidiens à la télévision (13h et 20h). Maintenant, avec l'apparition d'internet, des smartphones et des tablettes, l'information se consomme tout le temps.
Le journalisme est-il affaibli par les révolutions numériques ou bénéficie-t-il d'une nouvelle dynamique?
Avec la compétition entre la télévision et internet (Facebook et Twitter) sur la délivrance de l'information, il y a une véritable remise en question de la fonction de journaliste et du traitement des données. En effet, sur BFM TV, nous avons une déontologie qui nous impose un processus de vérification de l'information. Nous devons avoir 2 à 3 sources différentes concordantes avant de donner l'information à l'antenne. Ce processus de vérification systématique de l'information est notre garantie de fiabilité. Les réseaux sociaux sont une énorme source d'information qu'il faut décortiquer, analyser, vérifier et utiliser sans tomber dans la « fake news ».
Presse quotidienne, magazines, radios, télévisions, malgré les multiples révolutions les médias et les technologies ne semblent pas totalement chasser les précédents... Pensez-vous qu'avec les révolutions numériques les médias dits traditionnels peuvent encore résister et/ou se redéployer ?
Concernant BFM TV, cette chaîne part de l'attente des français. Notre réussite vient du principe que l'information doit être un produit accessible à tous : une info vérifiée et présentée de manière claire. L'ADN de BFM TV est la priorité au direct, mais nous proposons également d'autres rendez-vous comme : des grands reportages, des portraits, des débats. Ces émissions sont incarnées par leur présentateur (ex : , le 19h Ruth Elkrief) pour créer un attachement, une sorte de fidélisation du spectateur.
Jamais les "fake News" n'ont autant été d'actualité. Comment expliquer cette expansion? Comment essayer de s'en prémunir?
On peut faire le constat qu'un consommateur reste dans ses canaux d'information sans se confronter aux autres sources. Cela entraine une vision peu large du monde. Les « fake news » viennent souvent de canaux spécifiques. BFM TV essaie de mettre en confrontation les différentes sources pour avoir une vision plus large. Et pour se prémunir des « fake news » nous recoupons nos sources.
Pourquoi l'information ne traite elle principalement que les attentats français et non ceux du reste du monde qui sont pourtant plus meurtriers ?
Il y a un arbitrage constant au sein de la rédaction de BFM TV. Il y a de grosses discussions en conférence de rédaction mais nous assumons notre proximité avec les français. Cependant, toutes questions posées relatives au terrorisme s'orientent également vers le reste du monde...
Les journalistes possèdent-ils des informations qu'ils ne diffusent pas ?
Oui, nous avons des informations mais c'est de notre responsabilité de ne pas les diffuser. Nous ne voulons pas compromettre les enquêtes. Nous assumons une certaine forme de rétention d'information et nous devons les vérifier en amont. Il y a de vrais discussions en conférence de rédaction, voire même de véritable débats entre rédaction et direction, pour savoir si nous devons « lâcher » l'info ou non !
Est-ce compliqué d'être journaliste ?
Les journalistes ne sont pas aimés. Chaque mot, chaque geste, chaque attitude est scruté... Sur les réseaux sociaux, nous recevons un déluge d'insultes (parfois quelques compliments...). Il faut prendre sur soi...
Comment gérer un débat tendu ?
Il faut constamment se mettre du côté du spectateur et bien faire son boulot de journaliste. Avant un débat, il est primordial de bien le travailler. Plus je travaille mes débats et plus je me sens forte. Ensuite, une fois sur le plateau, on met son « Poker face » pour ne rien laisser transparaitre de ses émotions. On pose la question, on se prépare à la réponse et ensuite on se concentre sur la seconde, et on enchaîne...
Quels conseils donneriez-vous à de futurs journalistes ?
Aujourd'hui, c'est très dur de devenir journaliste : beaucoup de formations sont proposées, avec au final peu de place dans les rédactions. Les nouvelles technologies remplacent également peu à peu le travail de l'homme. Aussi, il faut vraiment être très motivé, travailler beaucoup, avoir du caractère et faire preuve d'obstination...